thématique
En peinture comme en gravure, je travaille tout en superpositions, zones de transparences et d’opacités donnant lieu à une stratification de l’ espace (-temps) de l’ œuvre. Seule l’illusion 3D donne la profondeur : sur un support en 2D avec des matériaux 2D (je n’utilise que rarement des peintures texturales), le relief est suggéré telle une cartographie abstraite par le jeu de contrastes colorés, d’ombres et lumières, devant/derrière, surface et profondeur.
On retrouve ce type d’effets à diverses échelles, de la lame de microscope aux photographies prises par satellite en passant par le simple champ de vision humain.
Les estampes sont réalisées à partir de différentes techniques sous presse ; gravure traditionnelle à l’eau-forte, monotype, aquatinte, gaufrage, linogravure… mixés, mélangés, superposés, laissant toujours filtrer l’ étape précédente en fonction de l’ encrage ou bien à l’ aide d’ emporte pièces. La plupart de ces créations sont le fruit de passages successifs sous presse.
A la recherche purement plastique s’ajoute une réflexion philosophique sur le statut de l’ être, voire même des choses.
Vous êtes ce que vous étiez hier. Vous êtes différent de ce que vous étiez hier (vite, un Nurofen !). Il y a des zones de transparences bien sûr, vous n’avez pas tout changé d’un coup, mais aussi des zones d’opacité. Hier,vous étiez ami avec Y, il vous a fortement déçu, vous avez décidé de le rayer de la carte (d’ où la cartographie..).Il y a quelque chose de brisé en vous, qui vous rend si différent d’ hier, et encore plus de demain, lorsque le voile du temps aura atténué, opacifié voir occulté cette déception…recouverte de nouvelles rencontres.
On retrouve ces altérations d’un point de vue purement physique. Je trouve la démarche de Roman Opalka très intéressante dans son systématisme et sa régularité, notamment le fait de se photographier chaque jour au même endroit depuis des années …
D’une minute à l’autre, vous avez vieilli, vous n’y pouvez rien. Cette usure touche les gens, elle atteint aussi les choses, et même sur mes propres toiles…
J’ai toujours été fascinée par la mise en abîme. « Je dessine Emilie qui me dessine dessinant Emilie qui me dessine dessinant Emilie qui me dessine dessinant… »
Les portes, fenêtres, escaliers, arcades m’attirent, lieux de passage de l’intérieur à l’extérieur, d’un espace à un autre, d’un niveau à l’autre.
Des préoccupations futuristes et surréalistes cohabitent donc dans mes productions.
Nous sommes en perpétuel état de passage. « On ne descend pas 2 fois dans le même fleuve »( Héraclite) dans un monde où « Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme » (Lavoisier).
A cela s’ ajoute à mon sens une notion de cycle. Je pense par exemple aux questions de générations; on retrouve les zones de transparences –vous avez les yeux de votre arrière grand-mère- et d’opacité- votre arrière grand-père..c’était le facteur ! Mais l' invisible n' en demeure pas moins présent. Il suffirait de gratter…pour laisser éclater le secret de famille au grand jour.
Chaque élément rajouté à l’œuvre vient se superposer à ceux pré- existants tout comme ce que vous êtes aujourd’hui se nourri de votre enfance, elle-même conditionnée par les générations antérieures. La Basilique St Sernin (Toulouse) est un beau témoignage de ce type de problématique.
L’emprise du temps n’a pas de fin, contrairement à l’action de l’artiste. A quel moment arrêter une toile ? L’apport d’un nouvel élément sera -t-il une valeur ajoutée à l’œuvre ou bien le trait de trop qui va tuer la dynamique en place irrémédiablement? Décider arbitrairement que la peinture a atteint son état final alors qu’elle est potentiellement in- finie..
Thematic
traduct by Aurélie Cabrera ( thank you Lili ! )
In painting as
in engraving, I work everything in superimposing, zones of transparencies and
opacities giving place to a stratification of the space-time of the work. Only
the 3D illusion gives the depth: on a support in 2D with 2D materials (I rarely
use textural paintings), the relief is suggested as such an abstract
cartography by the set of colored contrasts, shadows and lights, in front of /
behind, surface and depth. We find this kind of effects on various scales, from
the microscope slide in photos taken by satellite via the simple human field of
view.
Prints are
realized from various techniques in the press; etching traditional engraving
with the etching, monotype, aquatint, embossing, linocut … mixed, superimposed,
always letting filter the previous stage according either to the inking or with
the help of a punch. Most of these creations are the fruit of serial passages
in the press.
To purely
plastic research is added a philosophic reflection on the status of the being,
even of objects. You are what you
were yesterday. You are different from what you were yesterday (Quickly, Advil!).
There are zones of transparencies of course; you did not change everything just
like that, but also zones of opacity. Yesterday, you were friends with Y, he strongly
disappointed you, you decided to cross him off the map (hence the mapping).
There is something broken in you which makes you so different from yesterday,
and even more of tomorrow, when the veil of time will have eased it up, opacified
even hiding this disappointment... covered with new meetings.
We discover
these changes from a purely physical point of view. I personally find the
approach of Roman Opalka in its (his) systematism and its (his) regularity very
interesting, especially the fact of photographing itself (himself) every day in
the same place for years …
From any
minute now, you have aged; there is nothing you can do. This touches the people;
it affects also the objects, and even my own paintings…
I have always
been fascinated by the stake in abyss. “I draw Emilie, who draws me drawing
Emilie, who draws me drawing Emilie who draws me drawing”. Doors, windows,
staircases and arches attract me, crossing points from the inside to the outside,
from one space to another, from one level to another. Futuristic and surrealist
topics coexist in my productions.
We are in a perpetual
state of passage. «We do not come down twice in the same river» (‘Heraclites’)
in a world where «Nothing gets lost, nothing is created, everything is transformed"
(Lavoisier).
In addition I
consider the concept of cycle an important factor: I think for example of the
questions of generations; we find the zones of transparencies - you have the
eyes of your great grandmother and the opacity of your great grandfather, it
was the postman! Yet the invisible is still present and very skin deep. It
would be enough to scratch to let the family secret burst in broad daylight.
Each element
added to the work comes to overlap to those pre-existing; as what you are today
is fed from your childhood, conditioned by the former generations. The Basilica
St Sernin (Toulouse) is a beautiful testimony as such.
The influence
of time has no end, contrary to the action of the artist. When does one stop
painting a canvas? Will the contribution of a new element be an added-value to the
piece of art, or will the excess line that will irremediably kill the dynamic?
To decide arbitrarily that the painting reached its final state while it is
potentially un-limited…